En novembre 2023, nous vous avions sondés par rapport aux priorités sur lesquelles les chercheurs, décideurs et associations devraient se pencher dans les prochaines années pour améliorer la vie avec le diabète de type 1 (DT1). Le vieillissement s’est glissé en 5e place du côté des personnes vivant avec cette condition.
Cette préoccupation n’est pas étonnante étant donné qu’il y a de plus en plus de personnes de 65 ans et plus vivant avec le DT1. En effet, l’espérance de vie des personnes qui vivent avec cette condition a nettement augmenté, outre le fait qu’il y a davantage de diagnostics de DT1 à l’âge adulte, y compris dans la tranche d’âge des 65 ans et plus.
Heureusement, il est possible de bien vieillir avec le DT1. Viser une glycémie dans la cible (entre 4 et 10 mmol/L), éviter le tabac, contrôler le cholestérol sanguin et la pression artérielle, limiter la consommation d’alcool et pratiquer de l’activité physique régulière sont des stratégies pour y arriver. Le nombre de personnes qui vieillissent avec le DT1 et sans complications importantes augmente sans cesse.
Adapter les soins en fonction de l’âge et des capacités
En vieillissant, l’organisme change. Si certaines personnes avancent en âge en bonne santé et en conservant leur autonomie, d’autres peuvent faire face à des problèmes, comme des troubles cognitifs, une réduction de la dextérité manuelle, visuelle ou auditive, une fragilité des os (ostéoporose), une prédisposition aux chutes, des maladies associées et de nouveaux médicaments qui peuvent interférer avec les glycémies, ou encore un risque accru d’hospitalisations.
En plus de diminuer la qualité de vie, ces changements de l’état de santé peuvent compliquer l’autogestion du diabète. C’est pourquoi l’American Diabetes Association (Association américaine du diabète) recommande que le dépistage des complications de santé liées au vieillissement et au diabète soit individualisé et réalisé périodiquement après l’âge de 65 ans. En fait, plus que l’âge, c’est la capacité à réaliser les tâches du quotidien qu’il faut d’abord prendre en compte.
Porter une attention particulière à l’hypoglycémie
Un âge plus avancé et/ou une durée de vie avec le diabète plus longue augmentent le risque de moins bien ressentir les symptômes de l’hypoglycémie, ce qui majore le risque d’hypoglycémie sévère.
Les hypoglycémies peuvent accroître le risque de chute, de blessure et d’hospitalisation, en plus de réduire la qualité de vie peu importe l’âge. Par contre, ces conséquences peuvent être plus importantes chez les personnes plus âgées. Lorsque les hypoglycémies deviennent plus fréquentes ou accompagnées « d’effets secondaires » plus prononcés (p. ex., perte de conscience, chutes nombreuses avec blessure, extrême fatigue), il est possible de réviser les cibles glycémiques pour réduire le risque d’hypoglycémie. Par exemple, si vous utilisez un lecteur de la glycémie en continu (Dexcom, FreeStyle Libre, Guardian), votre équipe médicale pourra vous suggérer de viser 50 % de temps dans la cible (contrairement à 70 % habituellement), et moins de 1 % du temps en hypoglycémie (au lieu de 4 % généralement).
Le message clé à retenir : avec l’âge, la prévention des épisodes d’hypoglycémie devient encore plus importante, quitte à tolérer des glycémies moyennes un peu plus hautes. En effet, après un certain âge, l’importance de viser des glycémies optimales un maximum de temps pour réduire le risque de complications possibles à venir dans les 10 ou 20 prochaines années devient moins prioritaire.
Soutenir l’utilisation des technologies
Plusieurs études ont montré que l’utilisation des technologies dans le traitement du diabète permet de mieux gérer les glycémies (moins d’hypoglycémies notamment). La capacité à bien utiliser les fonctionnalités avancées de ces outils (p. ex., ajustement des paramètres) est comparable entre les différentes tranches d’âge.
Ainsi, la plupart des grandes associations et des experts en diabète recommandent de faciliter l’accès à un lecteur de la glycémie en continu et à un système de boucle fermée hybride (pancréas artificiel) à toutes les personnes vivant avec le DT1 qui le désirent et qui se sentent capables de gérer ces outils, et ce, sans tenir compte de l’âge.
Même une personne avec une moins bonne dextérité ou un problème de vision ou d’audition peut, avec l’aide d’un proche, utiliser ces technologies. Par exemple, le lecteur de la glycémie en continu peut être installé par un proche. La personne vivant avec le DT1 peut ensuite suivre les données de glycémie sur un téléphone cellulaire en grossissant les caractères ou en jouant avec les contrastes de luminosité. Il est également possible d’ajuster les paramètres des alarmes (p. ex., seuil de glycémie, volume de l’alarme) et de partager les données avec un ou des proches.
Néanmoins, les fabricants de ces technologies devront avoir en tête la simplification des logiciels et penser à l’ergonomie, en proposant, par exemple, des boutons plus faciles à manipuler pour les personnes plus âgées ou avec des limitations physiques.
Il faut aussi tenir compte du fardeau financier que représente le DT1. Avec l’âge viennent souvent une baisse des revenus et la perte d’assurances privées qui peuvent limiter la capacité de certaines personnes à assumer les coûts importants de certaines technologies.
Dans le registre BETTER, selon des données préliminaires en cours d’analyse, plus du tiers des personnes de 60 ans et plus utilisent une pompe à insuline, ce qui est comparable au groupe des 50-59 ans.
Quelque 70 % des personnes de 70 ans et plus utilisent un lecteur de la glycémie en continu, comparativement à 83-84 % des 50 à 69 ans.
Rester à l’affût des possibles complications
Au-delà de certaines complications « classiques » possibles (p. ex., atteintes aux yeux, aux reins, aux nerfs, au cœur), de nouvelles problématiques de santé liées au DT1 peuvent apparaître avec l’âge. En plus des dépistages habituels (p. ex., fond d’œil, fonction des reins), il est fortement suggéré de surveiller le risque accru de :
- fragilité des os ou ostéoporose, qui augmente le risque de fractures. Il est important de souligner que cette complication, bien connue chez les femmes, touche également de façon comparable les hommes qui vivent avec le DT1.
- chutes dont les causes peuvent être multiples : hypoglycémie, atteinte des nerfs (neuropathie) ou déformations des os du pied qui réduisent les sensations, effets de certains médicaments (p. ex., somnifères ou certains traitements pour la pression artérielle).
- perte de mémoire, soit transitoire lors d’une hypoglycémie, soit plus permanente, qui augmente le danger d’erreurs dans l’ajustement des doses d’insuline. Pour les personnes qui utilisent les injections, un stylo avec une fonction mémoire de la dernière dose est recommandé. Des stylos connectés (à un cellulaire) enregistrant automatiquement jusqu’à 800 injections (dose, temps écoulé depuis la dernière dose) devraient être disponibles au Canada d’ici les prochains mois et faciliteront encore plus la gestion du diabète.
La bonne nouvelle, c’est que plusieurs des stratégies qui aident à diminuer le risque des complications classiques (p. ex., yeux, reins) ont le même effet positif sur ces problèmes plus fréquents reliés à l’âge. Pour rappel, ces stratégies sont :
- Une bonne gestion des glycémies, plus facile avec les nouveaux outils (nouvelles insulines et technologies).
- Un contrôle de la pression artérielle et du cholestérol avec, au besoin, des médicaments. Les données du registre BETTER montrent que plus de 70 % des personnes qui devraient bénéficier de ces médicaments les prennent effectivement.
- Une activité physique régulière visant, par exemple, au moins 7 000 pas par jour, soit l’équivalent d’une heure de marche par jour à rythme modéré (100 pas/min) ou 40 minutes pour les rapides.
- Ne pas fumer.
- Une alimentation équilibrée avec, notamment, des fruits, des légumes, un apport suffisant en calcium et en vitamine D, mais aussi avec le moins d’aliments ultra-transformés possible.
Vieillir en santé, c’est possible!
Plusieurs études ont remarqué que certaines difficultés, comme la détresse ou la stigmatisation liée au DT1, sont moins souvent rapportées par les personnes plus âgées ou qui ont une expérience de gestion du DT1 plus longue.
Le registre BETTER, notamment, montre que de plus en plus de personnes dépassent l’âge de 65 ans sans complications importantes, sans faire plus d’hypoglycémies, sans problème pour utiliser les outils technologiques et avec moins de détresse diabétique et d’inquiétude face à l’hypoglycémie. Ces données sont très utiles pour faire évoluer les perceptions à propos de l’âge et du DT1 (p. ex., il est possible de vieillir sans ou avec peu de complications, les personnes plus âgées qui vivent avec le DT1 savent utiliser et bénéficier des avantages de la technologie).
Vous désirez contribuer à la recherche et faire connaître votre réalité du vieillissement avec le DT1? Inscrivez-vous au registre! Votre participation nous aide en outre à plaider pour un accès universel aux différentes technologies de gestion du diabète, considérant qu’il peut devenir plus difficile, après l’âge de la retraite, de faire face aux coûts importants liés au DT1.
Pour en savoir plus :
- Webinaire BETTER Vieillir avec le diabète de type 1 : constats et préparation
- Webinaire BETTER Santé osseuse et diabète de type 1
Références :
- Prévost, G. et al. (2023). Les personnes âgées vivant avec un diabète de type 1: Older adults living with type 1 diabetes. Médecine des Maladies Métaboliques 17(8) S1 : 8S38-8S42. https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S195725572300295X
- Diabète Canada. Le diabète chez les personnes âgées – Lignes directrices de pratique clinique 2018. Canadian Journal of Diabetes 42 : S283-S295. https://guidelines.diabetes.ca/GuideLines/media/Docs/french/37-Diabetes-in-Older-People-fr.pdf
- Diabète Canada. Neuropathie – Lignes directrices de pratique clinique 2018. Canadian Journal of Diabetes 42 : S217-S221. https://guidelines.diabetes.ca/GuideLines/media/Docs/french/31-Neuropathy-FR.pdf
- American Diabetes Association. Older adults: Standards of Care in Diabetes – 2024. Diabetes Care 47(S. 1) : S244-S257. https://diabetesjournals.org/care/article/47/Supplement_1/S244/153944/13-Older-Adults-Standards-of-Care-in-Diabetes-2024
- TIRhub.ca. Rapport de consensus international sur le temps dans la cible. Page consultée le 13 mai 2024. https://tirhub.ca/fr/rapport-de-consensus-international/
- Kammoun, F. et al. (2023). Impact de la neuropathie diabétique sur la qualité de vie des patients âgés. Annales d’Endocrinologie 84(1) : 202. https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0003426622012203
- Madar, H. et al. (2023). Cardiovascular Risk Factors and Adherence to Cardiovascular Protection Practice Guidelines in Adults With Type 1 Diabetes: A BETTER Registry Cross-sectional Analysis. Can. J. Diabetes 47(6): 473-481.e.1. https://www.canadianjournalofdiabetes.com/article/S1499-2671(23)00069-2/abstract
- Citoyenneté et Immigration Canada. (2013). Néphropathie. Page consultée le 14 mai 2024. https://www.canada.ca/content/dam/ircc/migration/ircc/francais/ministere/partenariat/md/pdf/iemi_nephropathie.pdf
Écrit par : Nathalie Kinnard, rédactrice scientifique et assistante de recherche
Révisé par :
- Rémi Rabasa-Lhoret, M.D., Ph. D.
- Sarah Haag, R.N., B. Sc.
- Anne-Sophie Brazeau, Dt.P., Ph. D.
- Eve Poirier, Claude Laforest, Jacques Pelletier, Aude Bandini et Michel Dostie, patients partenaires du projet BETTER.
Révision linguistique par : Marie-Christine Payette