Plusieurs femmes vivant avec le diabète de type 1 (DT1) pourront en témoigner : leur glycémie et leurs besoins en insuline peuvent beaucoup fluctuer à certains moments de leur cycle menstruel.
Plusieurs études réalisées ces dernières années confirment que les hormones sexuelles (les œstrogènes et la progestérone) pourraient être un autre facteur à ajouter à la longue liste de facteurs influençant la glycémie. Une augmentation de celle-ci a notamment été observée chez de nombreuses femmes entre la période d’ovulation et le début des menstruations.
Il serait donc pertinent de prendre en compte le cycle menstruel lors de l’analyse de la glycémie et l’ajustement du traitement des femmes vivant avec le DT1.
Le cycle menstruel
Un cycle menstruel typique débute à la première journée des menstruations et dure environ 28 jours qui sont divisés en 3 phases. Durant la phase folliculaire (premières journées), la majorité des hormones sont relativement stables. Puis, aux environs du 14e jour lors de la production d’ovule(s), un pic d’hormones se produit. Ceci correspond à la phase ovulatoire. Enfin, du 14e au 28e jour (phase lutéale), certaines hormones comme les œstrogènes et la progestérone demeurent plus élevées qu’avant l’ovulation.
Les phases et le profil hormonal d’un cycle menstruel
- LH = hormone lutéinisante
- FSH = hormone folliculostimulante
La LH et la FSH favorisent l’ovulation et stimulent la sécrétion des hormones sexuelles par les ovaires.
- Estrogen = oestrogène
- Progesterone = progestérone
- Follicular phase = phase folliculaire
- Luteal phase = phase lutéale
Source : Toor, S. et al. (2023). Type 1 Diabetes and the Menstrual Cycle: Where/How Does Exercise Fit in? Int. Environ. Res. Public Health 20(4), 2772. https://doi.org/10.3390/ijerph20042772
Le pic d’hormones peut faire augmenter la glycémie
Selon plusieurs études qui se sont penchées sur le cycle menstruel et le DT1, la glycémie a tendance à augmenter durant la deuxième moitié du cycle (phases ovulatoire et lutéale) en raison du pic d’hormones qui pourrait être responsable d’une plus grande résistance à l’insuline (une même dose d’insuline fait moins baisser la glycémie). Certaines femmes vivront ensuite une diminution importante de leur glycémie au début des menstruations, lorsque le taux d’hormones baisse. Dans les deux cas, l’ajustement des doses d’insuline et du facteur de correction aussi appelé facteur de sensibilité (qui permet de calculer l’insuline à donner pour corriger une hyperglycémie) a permis aux participantes de ces études de limiter certaines hyperglycémies lors des phases ovulatoire et lutéale, et de prévenir certaines hypoglycémies en début de cycle.
Certains chercheurs ont également observé un effet important du cycle menstruel (phase lutéale) sur la glycémie pendant la nuit : la progestérone accentuerait le phénomène de l’aube (montée de la glycémie pendant la dernière partie de la nuit). Une des stratégies testées pour éviter les hyperglycémies, soit l’ajustement de l’insuline basale (par injection ou avec la pompe), a donné de bons résultats chez les femmes présentant ce profil.
Plusieurs analyses ont par ailleurs montré que le pourcentage de temps pendant lequel les glycémies se retrouvent dans la cible (entre 4,0 et 10,0 mmol/L) diminue entre le début et la fin du cycle menstruel.
Puberté et ménopause
Certaines études ont démontré que les femmes vivant avec le DT1 ont un risque plus élevé que les autres femmes de débuter leur puberté un peu plus tard (1 à 2 ans) et d’avoir des règles irrégulières.
De plus, de façon générale, les femmes vivant avec DT1 auraient une période reproductive plus courte et entreraient donc en préménopause un peu plus tôt (2 ans) que les femmes sans DT1.
Identifier des stratégies personnalisées
Selon les études sur le sujet, il semble que les femmes dont les glycémies augmentent dans la deuxième moitié du cycle menstruel bénéficieraient d’un ajustement à la hausse de leurs doses d’insuline pendant cette période.
Celles qui ont recours aux injections auront peut-être besoin de majorer les doses d’insuline de longue et de courte action (pour les repas). Les femmes utilisant une pompe à insuline pourraient en revanche choisir de définir et d’activer un autre programme pour l’insuline basale avec des débits d’insuline plus élevés. Enfin, les utilisatrices de systèmes en boucle fermée hybrides (pancréas artificiel) profitent sans doute de l’ajustement automatique de l’insuline que cette technologie offre pour contrer la variation de la glycémie liée aux hormones, même s’il faudra plus d’études pour le démontrer.
Une des difficultés importantes pour les femmes qui vivent avec le DT1 est que l’impact du cycle menstruel sur la glycémie peut varier d’un cycle à l’autre, comme il semble variable d’une personne à l’autre. De plus, on ne connaît pas encore vraiment les effets des différents contraceptifs sur la glycémie.
Ainsi, il est nécessaire d’examiner davantage la relation entre les phases du cycle menstruel, les fluctuations glycémiques et les besoins en insuline. Une étude canadienne, l’étude GLYMETY, vise à mieux comprendre cette problématique importante. Il s’agit d’une étude observationnelle sur trois cycles menstruels pour recueillir des données sur la glycémie, les doses d’insuline, le cycle menstruel et les symptômes prémenstruels.
En comprenant mieux l’impact du cycle menstruel sur le DT1, les femmes et les professionnels de la santé pourront plus facilement trouver des stratégies pour faciliter la gestion de la glycémie.
Pour aller plus loin : rediffusion du webinaire Hormones et diabète de type 1
Références :
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Toor, S., Yardley, J. E. and Momeni, Z. (2023). Type 1 Diabetes and the Menstrual Cycle: Where/How Does Exercise Fit in? Int. J. Environ. Res. Public Health 20(4), 2722. https://doi.org/10.3390/ijerph20042772
Cortés, M. E. and Alfaro, A. A. (2014). The effects of hormonal contraceptives on glycemic regulation. Linacre Q. 81(3), 209-219. doi: 10.1179/2050854914Y.0000000023
Diaz, J. L. et al. (2022). Insulin Replacement Across the Menstrual Cycle in Women with Type 1 Diabetes: An In Silico Assessment of the Need for Ad Hoc Technology. Diabetes Technology & Therapeutics 24(11), 832-841. https://doi.org/10.1089/dia.2022.0154
Gamarra, E. and Trimboli, P. (2023). Menstrual Cycle, Glucose Control and Insulin Sensitivity in Type 1 Diabetes: A Systematic Review. Pers. Med. 13, 374. https://www.mdpi.com/2075-4426/13/2/374
Mewes, D. et al. (2002). Variability of Glycemic Outcomes and Insulin Requirements Throughout the Menstrual Cycle: A Qualitative Study on Women With Type 1 Diabetes Using an Open-Source Automated Insulin Delivery System. Jour. of Diabetes Science and Tech. 17 (5), 1304-1316. https://doi.org/10.1177/1932296822108019
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Écrit par : Nathalie Kinnard, rédactrice scientifique et assistante de recherche
Révisé par :
- Sarah Haag, RN. BSc.
- Rémi Rabasa-Lhoret, M. D., Ph. D.
- Anne-Sophie Brazeau, Dt. P., Ph. D.
- Anne Bonhoure, M. Sc., étudiante au Ph. D., IRCM
- Michel Dostie, Claude Laforest, Marie-Christine Payette, patients partenaires du projet BETTER
Révision linguistique réalisée par : Marie-Christine Payette